Il y a quelques mois YouTube a décidé de modifier ses règles de monétisation des vidéos suite au départ de plusieurs annonceurs, en colère de voir leurs publicités associées à des contenus polémiques ou violents. Avant, pour pouvoir gagner de l'argent, il suffisait de cumuler 10 000 vues sur une vidéo. Il faut désormais avoir au minimum 1 000 abonnés et, surtout, 4 000 heures de visionnage cumulé (1).
La nouvelle politique de la plateforme vise à satisfaire les annonceurs en les protégeant d’association à des vidéos au contenu sexuel, djihadiste ou violent. En effet, les marques protègent et contrôlent leur image en faisant pression sur YouTube pour éviter toutes associations « gênantes ». Ainsi, YouTube se réserve le droit de démonétiser les vidéos dont le contenu est jugé inadapté aux annonceurs.
Dans ses règles publicitaires, YouTube explique ne pas monétiser les vidéos présentant « un caractère sexuel très prononcé » comportant par exemple des scènes de nudité, parties du corps ou simulations sexuelles. Selon YouTube, ne sont pas adaptés à la publicité « les contenus présentant des jouets et des objets sexuels ou qui traitent explicitement de sexe », sauf d’il s’agit de vidéos d’éducation sexuelle (2).
Néanmoins, l’apparition dans les réseaux sociaux du hashtag #MonCorpsSurYouTube, à l’initiative de l’association Les Internettes, dénonce l’application de ses règles. Il semblerait que le corps des femmes, et spécialement les vidéos dans lesquelles des YouTubeuses expriment leur liberté à disposer de leur corps comme elles le souhaitent gênent YouTube ... et a fortiori les annonceurs, au point de justifier leurs démonétisations.
A cet égard, c’est des vidéos sur l’acceptation de son corps, les coupes menstruelles, l’avortement, l’éducation sexuelle, qui sont démonétisées par YouTube. Ainsi, ont été démonétisé des vidéos telles que celle de Calidoscope sur l'avortement dans le monde, de Mademoizelle sur la culture du viol, ou bien Cher Corps de Léa Bordier.
Alors que ces vidéos sont réalisées par des femmes qui osent (enfin) prendre la parole, l’association les Internettes analyse que « Par ce simple acte, Youtube nous glisse à l’oreille que nous devrions avoir honte d’être des femmes qui s’expriment librement » (3).
Ce comportement, de YouTube, répondant à des considérations financières est antinomique de l’image que le géant du web souhaite promouvoir, du moins en apparence, avec des initiatives telles qu’EllesFontYouTube encourageant les femmes à prendre leur place sur la plateforme.
Cette censure conduit à s’interroger sur le respect des libertés fondamentales dans le monde du web. En effet, existe-il une liberté d’expression sur YouTube et quand est-il de la différentiation de traitement (où oserait-on dire la discrimination) entre les vidéos abordant la sexualité hétérosexuelle et le corps masculin vis-à-vis des vidéos sur la sexualité homosexuelle et le corps féminin.
L’exemple du Youtubeur Julien Ménielle qui en mai 2017 avait voulu publier sur sa chaîne YouTube deux vidéos,l’une sur le pénis, l’autre sur le clitoris, est édifiant. La première vidéo s’était rapidement retrouvée dans l’onglet « Tendances » de YouTube, qui met en avant les vidéos à succès du moment. La seconde avait fait un bon démarrage, puis avait soudainement été démonétisée et interdite aux moins de 18 ans (4).
Ainsi, avec le hashtag #MonCorpsSurYouTube c’est le sexisme de YouTube qui est dénoncé et c’est la question de la liberté d’expression (des femmes) sur les plateformes d’hébergement de vidéos qui est questionnée.
Par Charlotte Kusnir
(1) Programme Partenaire YouTube; YouTube : Quels changements dans la monétisation des vidéos? Franceinfo, 9 avril 2018
(2) YouTube accusé de démonétiser les vidéos sur le corps et la sexualité des femmes, Le Monde, par Perrine Signoret, le 25 mai 2018
(3) #MonCorpsSurYoutube : les créatrices s’insurgent contre la démonétisation des vidéos, Numerama, par Nelly Lesage, le 25 mai 2018
(4) YouTube accusé de démonétiser les vidéos sur le corps et la sexualité des femmes, Le Monde, par Perrine Signoret, le 25 mai 2018
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