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Cyber-haine : publication du rapport contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet


“Le Gouvernement est déterminé à mener le combat contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet. Il ne peut, en effet, accepter le déferlement de haine constaté aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Les propos ou les messages qui constituent des infractions pénales doivent être retirés sans délai, et ceux qui les émettent ou les diffusent en France doivent voir leur responsabilité civile et pénale engagée”. Tel est le message envoyé par le Premier Ministre et qui a donné lieu au rapport “Renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet” établi le 20 septembre 2018.


Comme le souligne ce rapport, la haine sur Internet n’a jamais été aussi banalisée. Ceux qui la véhiculent, disposent d’un espace de diffusion illimité. C’est dans ce contexte que les opérateurs et les autorités publiques prennent conscience du retard des réglementations et de l’inefficacité des procédés en place. L’objectif du rapport est ainsi d’apporter “des solutions opérationnelles, concrètes, immédiatement applicables, parfaitement conformes à la protection de la liberté d’expression”.


Rédigé par Karim Amellal, Laetitia Avia et le Docteur Gil Taïeb, le texte propose vingt recommandations, réparties dans six domaines d’intervention principaux, pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet. C’est plus largement la lutte contre la cyber haine qui est visée.


1. La responsabilisation des plateformes


Aujourd’hui la Loi pour la Confiance dans l'Économie Numérique (LCEN) de 2004 ne prévoit qu’un régime de responsabilité allégé pour les hébergeurs et les fournisseurs d’accès internet (FAI). En effet, ils ne sont soumis à aucune obligation de surveillance des informations qu’ils transmettent ou stockent, ni de recherche des faits ou des circonstances révélant des activités illicites (art.6 LCEN).


Leur seule obligation préventive est de mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance les contenus illicites. Cependant, cette disposition n’est pas assez précise et ne permet donc pas de lutter efficacement contre la haine sur Internet.


Le rapport préconise donc de renforcer ces obligations, en proposant les mesures suivantes : le retrait plus rapide des contenus haineux illicites, l’alerte donnée aux autorités dans un délai d’un mois sur les cas de contenus haineux, l’exécution obligatoire des réquisitions (notamment pour obtenir l’identité d’un utilisateur), la nomination d’un représentant légal de la société devant l’autorité, ainsi que la remise d’un rapport annuel de transparence.


De plus, les réseaux sociaux et les moteurs de recherche pourraient se voir appliquer des obligations renforcées, en devant mettre en place les mesures suivantes : le retrait du contenu dès qu’une décision de justice l’ordonne, la communication des informations sur un blocage ou un retrait aux autres plateformes, la conservation des données à titre probatoire, ou encore des informations supplémentaires dans le rapport annuel de transparence.



2. Le renforcement de la régulation du numérique


Le rapport déplore également “l’absence de service public explicitement responsable de la mise en oeuvre des dispositions” de la LCEN. Il n’existe en effet aucune autorité responsable de l’harmonisation et la mise en place générale des procédures nécessaires à l’effectivité de la loi.


L’idée est d’instaurer une autorité en charge de mettre en oeuvre les nouvelles dispositions législatives et réglementaires : un service public qui serait notamment chargé de contrôler la mise en œuvre de la loi, d’analyser les rapports de transparence, de sanctionner et de poursuivre les acteurs et auteurs de la diffusion de contenus haineux sur Internet, ou encore de l’assistance des opérateurs pour appliquer les bonnes pratiques de lutte.


Un tel service nécessiterait selon les estimations entre trente et cinquante personnes, comprenant une équipe pluridisciplinaire. Bien que le rapport traite principalement du racisme et de l’antisémitisme, cette autorité aurait pour objectif principal de lutter contre tous les contenus illicites et dangereux tels que le terrorisme, la pédopornographie, le cyberharcèlement, etc.


Outre la création de cette autorité générale, la régulation devrait également nécessiter la mise en place d’un dialogue entre les différents acteurs concernés.



3. L’amélioration du signalement des contenus illicites


Les auteurs du rapport ont constaté une insuffisance des procédures de signalement mises en place. Si la LCEN impose un dispositif facilement accessible et visible, en pratique, il est complexe ou absent sur les moteurs de recherche. Il est dès lors difficile, voire impossible, pour le citoyen de signaler efficacement les contenus haineux.


Il est également recommandé par le rapport d’imposer une présentation normalisée de ce signalement et des procédures subséquentes. Le cas échéant, le signalement devrait être simple, accessible, visible et disponible. Quant à la procédure, elle devrait comporter des règles simples : ne pas nécessiter la création d’un compte, être fluide, être intégralement disponible en ligne, être compréhensible, etc.



4. L’action contre les sites illicites via blocage et déférencement


Face à la difficulté d’éviter la diffusion d’un contenu illicite, deux mesures principales sont mises en avant : le blocage et le déférencement.


Pour l’heure, deux formes de blocage existent : le blocage administratif contre l’apologie du terrorisme et la pédopornographie et le blocage judiciaire contre les jeux en ligne illégaux. Ce dernier est principalement utilisé à l’encontre des FAI, dans la mesure où la plupart des hébergeurs sont situés hors du territoire français, rendant une décision judiciaire à leur encontre difficilement applicable. Il s’agirait donc de pouvoir étendre ce blocage judiciaire aux sites haineux par décision du juge, saisi par une autorité administrative.


Quant au déférencement, il vise à lutter contre l’hypervisibilité des contenus haineux. En effet, une fois un contenu posté, sa propagation est facile et exponentielle. Le but serait de pouvoir déférencer le site rapidement par simple saisine du Tribunal de Grande Instance par une autorité administrative indépendante.


Enfin, une troisième mesure intermédiaire est envisagée et consisterait à filtrer les publicités des sites haineux. Les “démarches d’investissement publicitaire responsable ”seraient favorisées. L’idée d’une charte des annonceurs est également évoquée.



5. Une sanction plus efficace des auteurs de propos haineux


Comme mentionnées dans le rapport, les infractions ne manquent pas pour sanctionner les propos haineux sur Internet (principalement dans la loi de juillet 1881 sur la liberté de presse : diffamation, injure, discrimination, provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, etc). Néanmoins, leur poursuite est mise à mal par la banalisation de ces propos sur la toile et par l’anonymat qui couvre facilement leurs auteurs.


Pour lutter contre ce fléau, une amélioration du circuit de poursuite est mise en avant. Il s’agirait de prendre en compte un plus large éventail de propos haineux pouvant donner lieu à une plainte. Une amélioration de la justice et une spécialisation des instances de justice constituent la seconde étape de cet objectif : sanctionner par ordonnance pénale (sans audience), diversifier les sanctions et les peines complémentaires numériques, publier en ligne les décisions de justice (encadré et sous couvert du respect à la vie privée) et limiter l’anonymat.



6. La prévention et l’accompagnement des victimes


Dans ce dernier domaine, le rapport met en avant la nécessité d’établir une stratégie globale de lutte contre les propos haineux sur Internet avec une coordination du travail, la création d’un observatoire de la cyber-haine, la mobilisation de la société civile sur les réseaux sociaux impliquant les citoyens, la formation et l’éducation des plus jeunes et de leurs formateurs, ainsi que des campagnes de communication et de sensibilisation.


Enfin, il est souligné l’importance de soutenir et d’assister les victimes en ligne comme hors ligne.


Il est effectivement essentiel de ne pas perdre de vue les individus victimes derrière leurs écrans et de ne pas négliger l’impact des propos haineux sur les réseaux sociaux ou Internet en général. Ce rapport dénonce la facilité avec laquelle ces propos haineux circulent et blessent impunément. Il faudra donc attendre les prochains mois pour voir apparaître les projets du Gouvernement en réaction à ce rapport et aux fléaux qu’il dénonce.


Par Claire Gimenes

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