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Affaires Google et Cnil : le droit au déférencement bientôt limité à l'UE ?


L’avocat général de la Cour de Justice de l’Union Européenne, Maciej Szpunar, a publié ses propositions le 10 janvier 2018 sur le droit au déférencement sur les moteurs de recherche, droit qui avait fait l’objet de plusieurs questions préjudicielles devant la CJUE.


Les affaires françaises en présence impliquent Google et la CNIL. Elles sont antérieures à l’entrée en vigueur du RGPD qui ne leur est donc pas appliqué.

  • Affaire C-136/17 G.C contre CNIL : les requérants reprochent à la CNIL d’avoir refusé de mettre en demeure Google de déférencer certaines données sensibles les concernant.

  • Affaire C-507/17 Google contre CNIL : suite à sa condamnation par la CNIL, Google a posé une question préjudicielle pour clarifier le champ territorial de la directive 95/46/CE concernant le déférencement.

Rappelons qu’avec l’affaire Costeja de 2014, la CJUE a confirmé l’application de la directive européenne 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données via les moteurs de recherche, notamment celui de Google.


Sur les demandes de déférencement des données sensibles : favorable


Les requérants souhaitaient déférencer des liens renvoyant vers des données sensibles les concernant (photomontage satirique politique, affiliation professionnelle avec l’Eglise de Scientologie, mise en examen d’un homme politique et condamnation pénale pour une infraction sexuelle sur mineur). Suite au refus de Google, puis à celui de la CNIL de mettre Google en demeure de faire droit à ces demandes, les requérants ont saisi le Conseil d’Etat. Ce dernier a renvoyé des questions préjudicielles à la CJUE sur l’interprétation de la directive 95/46/CE.


L’avocat général propose ce qui suit : « l’exploitant d’un moteur de recherche doit systématiquement faire droit à une demande de déférencement de données sensibles ».


Il demande que soit prononcée une interdiction pour les exploitants de moteur de recherche de traiter des données sensibles. Les liens menant à des pages Internet sur lesquelles figurent des données sensibles devront être systématiquement déférencées dès lors que la personne concernée en aura fait la demande, sauf dans le cas de l’intérêt public, tel que la santé publique, la protection sociale, la recherche scientifique ou les statistiques publiques (considérant 46 de la directive 95/46/CE).


L’avocat général se penche également sur l’exception d’interdiction du traitement de données sensibles. Celle-ci doit prendre en compte la « mise en balance entre, d’une part, le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données et d’autre part, le droit public à avoir accès à l’information en question ainsi que le droit de la liberté d’expression de celui dont émane l’info ».


Pour les informations devenues incomplètes, inexactes ou obsolètes, il faut également savoir si l’information « relève du journalisme ou constitue une expression artistique ou littéraire ».


Cependant, à la lecture de la directive, une telle tolérance de traitement de données pour motif journalistique ou de liberté d’expression n’existe que pour les données personnelles simples. Il faudra attendre l’arrêt de la CJUE pour savoir s’il s’agira d’une nouvelle dérogation à l’interdiction de traitement des données sensibles.


Sur les demandes de déférencement mondial : défavorable


La seconde affaire oppose Google à la CNIL depuis 2015. Suite à la demande d’une personne physique, Google avait été mis en demeure par la CNIL de déférencer les liens menant vers des sites tiers sur lesquels figuraient certaines informations personnelles. Google ne s’est exécuté que sur ses versions européennes et a mis en place un géo-blocage (si le nom de la personne concernée était saisi sur le moteur de recherche depuis une adresse de connexion française, la recherche ne montrait plus les sites litigieux quelle que soit l’extension utilisée).


Ces mesures jugées insuffisantes par la CNIL ont conduit à la condamnation de Google à une amende de 100 000 euros en 2016. Google a alors saisi le Conseil d’Etat en annulation de cette condamnation et ce dernier a interrogé la CJUE sur le sujet.


Dans ses conclusions et contrairement à la position de la CNIL, l’avocat général s’est montré défavorable à un déférencement à l’échelle mondiale, pour ce cas d’espèce du moins. Il estime « que l’exploitant d’un moteur de recherche n’est pas tenu, lorsqu’il fait droit à une demande de déférencement, d’opérer ce déférencement sur l’ensemble des noms de domaine de son moteur de telle sorte que les liens litigieux n’apparaissent plus quel que soit le lieu à partir duquel la recherche lancée sur le nom du demandeur est effectuée »


Une telle mesure ne permettra pas aux autorités de l’Union Européenne de mettre en balance les éléments cités précédemment étant donné que l’intérêt du public pour l’information ne sera pas le même d’un Etat à l’autre.


Il souligne tout de même « que l’exploitant d’un moteur de recherche doit, une fois qu’un droit de déférencement au sein de l’Union est constaté, prendre toute mesure à sa disposition afin d’assurer un déférencement efficace et complet, au niveau du territoire de l’Union européenne, y compris par la technique dite du « géo-blocage », depuis une adresse IP réputée localisée dans l’un des Etats membres, et ce indépendamment du nom de domaine utilisé par l’internaute qui effectue la recherche ». 


Néanmoins, il ne s’agit que de propositions. En effet, les conclusions de l’avocat général n’engagent pas la CJUE qui devra délibérer et répondre aux questions préjudicielles. Une fois les arrêts publiés, il faudra encore évaluer les conséquences sur les instances nationales en cours. Affaires à suivre.


Claire Gimenes

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